Publié le 18 mai 2017 à 07h26 – La Presse – Réjean Bourdeau

L’un des plus petits prêteurs du Québec a de grands impacts. Le Réseau d’investissement social du Québec, appelé le RISQ, dévoilera sa performance ce soir à la chapelle de l’Espace Fullum, à Montréal. La Presse a obtenu l’étude et parlé à des responsables. Voici les résultats.

RÔLE PIVOT

Son nom dit tout. Le RISQ est un très petit prêteur en capital de risque. Et c’est pourtant un acteur essentiel en économie sociale, rapporte une étude menée par l’Université du Québec à Montréal (UQAM). « Il joue un rôle pivot dans les partenariats financiers, dit Marie J. Bouchard, directrice de l’étude. Il a l’air d’un David à côté des Goliath, mais, sans lui, la plupart des projets n’auraient pas vu le jour. » Quelque 435 dossiers dans lesquels le RISQ s’est impliqué ont été analysés. Ils couvrent la période de 1998 à 2014. Le travail a été réalisé par des chercheurs de l’École des sciences de la gestion (ESG) de l’UQAM et d’E&B Data, pour le compte du RISQ.

COMBLER LES FAILLES

Le RISQ a vu le jour en 1997. Il fait suite au Sommet sur l’économie et l’emploi, tenu l’année précédente. Son but est social, économique et financier. Il offre, notamment, des prêts sans garantie à des coopératives et à des organismes à but non lucratif. « Nous avons comblé une faille de financement », souligne Philippe Garant, son directeur général. Pas toujours facile, en effet, pour des entreprises d’économie sociale, d’emprunter auprès des institutions traditionnelles. Malgré tout, l’étude montre que le RISQ a récupéré plus de 85 % de son capital. Et les revenus d’intérêt ont compensé les pertes de capital encourues.

EFFET MULTIPLICATEUR

L’étude s’intéresse au volet capitalisation. Grâce à une analyse plus ciblée, on a aussi évalué les retombées économiques et fiscales du RISQ. Ce travail porte sur 295 dossiers (les chercheurs ont retiré des dossiers de l’échantillon original en raison d’états financiers non disponibles ou de données insuffisantes). On y apprend que la participation moyenne du RISQ est de 38 000 $ par projet, souvent pour assurer le fonds de roulement. Mais, précise Mme Bouchard, professeure en organisation et ressources humaines à l’ESG UQAM, cet investissement a un grand effet multiplicateur. Chaque projet rend possibles des dépenses de 630 000 $ en immobilisations ou autres.

IMPACT RÉEL

La participation du RISQ au projet permet aussi de maintenir annuellement 19 emplois directs, indirects et induits. « En 20 ans de carrière, je n’ai jamais vu de chiffres aussi remarquables quant à l’impact réel de chaque dollar investi, constate Jean-Martin Aussant, directeur général du Chantier de l’économie sociale. Alors qu’on voit souvent des annonces passer où chaque emploi soutenu ou créé a nécessité des centaines de milliers de dollars, chaque tranche de 2000 $ du RISQ a permis de soutenir un emploi. » C’est près de 6000 emplois créés ou soutenus dans pratiquement toutes les régions du Québec, ajoute-t-il.

GRAND ATOUT

Pour réussir sa mission, le RISQ collabore avec différents partenaires. Parmi eux, Investissement Québec, Desjardins, des fondations, des acteurs de l’économie solidaire, etc. Il s’appuie aussi sur un guide novateur d’analyse des dossiers, reposant sur 10 critères. « Il tient compte non seulement de l’aspect financier, mais de la mission sociale de l’organisme et de son ancrage dans le milieu », explique Philippe Garant. « Ce guide permet une analyse approfondie liée à la réalité des entreprises d’économie sociale, ajoute Mme Bouchard. C’est un grand atout. Quand, après l’étude du dossier, le RISQ s’avance, sans garantie et sans filet, il permet aux autres partenaires de venir à leur tour. »

MÉTHODE ÉPROUVÉE

Après 20 ans d’activités, le RISQ souhaite attirer des partenaires pour continuer à capitaliser son fonds. À ce jour, ses investissements approchent les 25 millions. « Notre méthode est éprouvée », dit M. Garant. Au fil du temps, le RISQ a financé des entreprises de récupération, d’insertion sociale, des centres de la petite enfance, des coopératives alimentaires, des services pour personnes âgées, etc. Bref, des entreprises à visage humain répondant à des besoins individuels et collectifs. « En ajoutant le RISQ à leur bilan social, des entreprises feraient plus que donner à la communauté, dit Marie J. Bouchard. Elles mettraient de l’argent dans un fonds qui multiplie les bénéfices sociaux et économiques. »

QUESTIONS DE MÉTHODOLOGIE

Marie J. Bouchard est professeure au département d’organisation et ressources humaines de l’UQAM.

Elle a dirigé l’étude intitulée Analyse du rôle du RISQ dans l’écosystème d’économie sociale. Mais elle est aussi membre du comité d’investissement du RISQ, volet capitalisation.

L’étude est-elle indépendante ?

« C’est une étude indépendante, dit-elle. Nous avons communiqué avec le comité d’éthique et de déontologie de l’UQAM pour prendre leurs recommandations. On a créé un comité scientifique. On a présenté notre plan. Et nous avons développé un protocole en matière de recherche. On a annoncé mon rôle au RISQ et on a proposé des mesures pour éviter que j’influence les résultats. Les analyses et les entrevues ont été menées de façon indépendante par des chercheurs universitaires. J’ai dirigé l’étude et j’ai rédigé le rapport avec eux. D’autre part, l’étude économique a été produite par une autre firme, E&B Data. »

IMPACTS POUR 11 MILLIONS INVESTIS PAR LE RISQ

  • 300: Nombre de projets financés pour des prêts de capitalisation
  • 186 millions: Total des investissements réalisés par le RISQ avec ses partenaires pour les 300 projets
  • 5680: Nombre d’emplois directs et indirects maintenus, soit 1 emploi par tranche d’environ 2000 $ investis par le RISQ
  • 278 millions: Chiffres d’affaires maintenus
  • 300 millions: Somme ajoutée au PIB du Québec
  • 42 millions: Somme versée au gouvernement du Québec
  • 13 millions: Somme versée au gouvernement du Canada

Sources : étude du RISQ, UQAM et E&B Data